Chanson douce  est un roman que j'ai lu deux fois. La première fois remonte à 2017 et la seconde, à quelques semaines. J'ai voulu le relire en apprenant qu'un film adapté du livre allait sortir bientôt. Les deux fois, j'ai ressenti les mêmes sensations en le lisant : une forme de gêne qui devient de plus en plus angoissante au fil des pages pour se transformer à la fin en horreur absolue.

Chanson douce, c'est l'histoire d'une famille parisienne, composée des parents Myriam et Paul et des enfants, Milan et Adam. Une nounou, Louise, vient se greffer à cette famille. En effet, après avoir consacré plusieurs années à l'éducation de ses enfants, Myriam reprend son travail d'avocate. Au fil des semaines, Louise s'immisce de plus en plus dans la vie de cette famille. Il faut dire que son excellent travail réjouit Myriam et Paul. Mais la situation finit par leur échapper… pour le pire.

"Elle marchait dans la rue comme dans un décor de cinéma dont elle aurait été absente, spectatrice invisible du mouvement des hommes. Tout le monde semblait avoir quelque part où aller."

Décrire ce que j'ai ressenti au niveau des personnages est très compliqué. En effet, je ne me suis attachée à aucun personnage et je n'en ai apprécié aucun. Pourtant, ils sont tous particulièrement bien construits. Mais justement, ils sont si bien construits et tant "réels" qu'ils me faisaient peur. En fait, les personnages sont là pour montrer les dérives d'une société comme celle qui exige la mère parfaite, une femme qui fait de beaux enfants, s'en occupe, mais doit continuer à être une épouse formidable, à s'occuper des tâches ménagères et à travailler. Ou encore, la difficile relation et le lien de subordination entre employeur et employé, et tout particulièrement quand l'employé travaille au sein du foyer de l'employeur. Où sont les limites ? Pour tout de même parler un peu plus en détails des personnages, j'ai trouvé que Louise était une femme glaçante. J'avais presque peur d'elle, même si elle n'existe pas. 

Au niveau de l'intrigue, nous n'avons finalement pas de surprise. La première page du livre nous révèle ce qu'il se passe à la fin et le roman consiste à nous révéler comment ce dénouement a pu arriver. L'écriture de Leïla Slimani est tout simplement grandiose. Elle réussit à installer la menace au fil des pages, une menace qui grandit à mesure que Louise s'ancre dans le quotidien de la famille. Le rythme est lancinant et créé une angoisse constante. Par ailleurs, j'ai beaucoup aimé la façon dont l'autrice dépeint les modes de vie actuels, dont j'ai précédemment parlés. J'ai été particulièrement touchée par le portrait dressé de ces gens sans beaucoup de revenus, qui vivent dans l'ombre de la société, dans la peur de chaque fin de mois. Ça fait mal de se dire qu'il y a des millions de personnes dans cette situation, rien que dans notre pays. 

"Son visage est comme une mer paisible dont personne ne pourrait soupçonner les abysses."

Au cours de mes deux lectures, j'ai été tenue en haleine du début à la fin, même si je connaissais déjà les détails de l'histoire la seconde fois. Leïla Slimani fait preuve d'une efficacité romanesque hors pair. Chanson douce est un roman qui m'a fait peur, qui m'a dérangée tant les événements qui se passent sont criants de réalisme. J'ai fait lire ce roman à ma mère et son avis est similaire au mien. C'est un livre qui ne laisse personne indifférent. Je vous le recommande grandement si vous ne l'avez pas déjà lu ! Je suis curieuse de découvrir le film dans quelques jours, j'espère qu'il saura retransmettre ce malaise prégnant du début à la fin.