Naples, fin des années cinquante. Deux amies, Elena et Lila, vivent dans un quartier défavorisé de la ville, leurs familles sont pauvres et, bien qu'elles soient douées pour les études, ce n'est pas la voie qui leur est promise. Lila, la surdouée, abandonne rapidement l'école pour travailler avec son père et son frère dans leur échoppe de cordonnier. En revanche, Elena est soutenue par son institutrice, qui pousse ses parents à l'envoyer au collège puis, plus tard, au lycée, comme les enfants des Carracci et des Sarratore, des familles plus aisées qui peuvent se le permettre.
Durant cette période, les deux jeunes filles se transforment physiquement et psychologiquement, s'entraident ou s'en prennent l'une à l'autre. Leurs chemins parfois se croisent et d'autres fois s'écartent, avec pour toile de fond une Naples sombre mais en ébullition, violente et dure. Des chemins qui les conduiront, après le passage par l'adolescence, à l'aube de l'âge adulte, non sans ruptures ni souffrances.
Formidable voyage dans Naples et dans l'Italie du boom économique, l'amie prodigieuse trace le portrait de deux héroïnes inoubliables, qu'Elena Ferrante traque avec passion et tendresse jusqu'au plus profond de leur âme.
Plutôt que de vous parler des tomes de L'amie prodigieuse chacun à leur tour, j'ai décidé de vous parler de cette saga dans son ensemble. J'ai choisi cette chronique d'ensemble car j'ai dévoré cette saga il y a quelques semaines. J'ai vraiment enchaîné les quatre tomes avec très peu d'écart, cela me semblait donc compliqué de vous parler que d'un seul tome alors que j'étais déjà plongée dans la suite. Puis, ce nouveau type de chronique me permet de tester une nouvelle façon de parler des romans que je lis, je trouve ça sympa de donner mon ressenti sur la saga dans son ensemble et de pouvoir faire des comparaisons entre les tomes. La vitesse à laquelle j'ai lu la série vous donne une idée de mon avis : c'est une saga formidable, que j'ai adoré lire et relire, puisque j'avais déjà lu les trois premiers tomes il y a deux ans. Cependant, avant de tout relire et de découvrir le dernier tome, j'avais la sensation que l'histoire perdait un peu en souffle. Après avoir tout terminé, je peux confirmer cette première impression : la saga est exceptionnelle mais j'ai un peu moins apprécié les deux derniers tomes. Je préviens d'avance, la chronique risque d'être longue. J'en ai des choses à dire !
"Elle s'arrêta pour m'attendre et, quand je la rejoignis, me donna la main. Ce geste changea tout entre nous, et pour toujours." (tome 1)
Le premier tome de L'amie prodigieuse nous plonge dans les années cinquante. Lila et Elena ne sont alors que deux petites filles mais leur quotidien est déjà bien compliqué. Elles vivent dans un quartier très pauvre de Naples, où la corruption et les magouilles sont reines. Malgré leur jeune âge, elles ont déjà conscience que s'échapper du quartier sera très compliqué. On suit donc nos jeunes héroïnes au fil des années, de l'école primaire au collège, puis du collège au lycée. Mais seule une des deux va connaître ce parcours puisque Lila est obligée de quitter l'école pour travailler aux côtés de son père et son frère, Rino. La famille ne peut se permettre de payer des études à l'adolescente et a besoin d'un revenu complémentaire. Lila est définitivement arrachée de l'adolescence le jour de son mariage avec Stefano Carracci, l'épicier du quartier. C'est sur ce mariage plein de rebondissements que s'achève le premier tome.
Le nouveau nom, le deuxième tome de la saga, reprend là où le tome précédent s'est arrêté. Nous retrouvons une Lila mariée, qui travaille désormais à l'épicerie de son mari. Elle mène une vie de jeune femme aisée et impressionne beaucoup ses anciennes amies du quartier. Mais sa vie de couple avec Stefano est loin d'être parfaite. Fatigué des caprices de son épouse et soucieux de montrer que ce sont les hommes qui ont le pouvoir, Stefano devient de plus en plus violent avec Lila, qui encaisse les coups sans rien dire. De son côté, Elena continue d'étudier au lycée. Bien que ses études lui donnent du fil à retordre, Elena ne se laisse pas abattre et pour cause : elle a retrouvé Nino, le garçon qu'elle aime secrètement depuis l'école primaire. La relation entre les deux amies connaît des hauts et des bas mais elles vont finir par se retrouver durant les vacances d'été à Ischia. Mais l'apparition de Nino durant ces vacances va bousculer les vacances.
"Depuis l'enfance, nous avions vu nos pères frapper nos mères. Nous avions grandi en pensant qu'un étranger ne devait pas même nous effleurer, alors qu'un parent, un fiancé ou un mari pouvaient nous donner des claques quand ils le voulaient, par amour, pour nous éduquer ou nous rééduquer."(tome 2)
Le troisième tome, Celle qui fuit et celle qui reste, est beaucoup plus politique que ces prédécesseurs. Désormais, Elena a terminé ses études et est diplômée de l'école normale de Pise. Elle est en couple avec Pietro, un fils de très bonne famille, aux parents célèbres dans les mondes universitaire et de l'édition. C'est une aubaine pour Elena puisqu'elle a écrit un roman et ce dernier connaît un grand succès. Accompagnée de sa belle-mère Adèle, Elena traverse l'Italie pour parler de son roman. Mais ce petit succès accompagné d'une belle rentrée d'argent n'empêche pas Lenù d'être assaillie par les doutes : a-t-elle fait le bon choix en épousant Pietro ? En quittant le quartier ? Lila, quant à elle, a tout plaqué pour élever son fils en sécurité. Elle travaille maintenant dans une usine de charcuterie et vit dans un appartement miséreux avec son fils et Enzo. Les deux amies devenues de vraies femmes vont connaître une relation encore plus tumultueuse qu'auparavant. Entre amour et véritable haine l'une pour l'autre, la séparation définitive n'est jamais bien loin.
L'enfant perdue est donc le quatrième tome qui clôture la saga. Nos deux héroïnes sont chacune investies dans leur rôle de femme active et de mère puisque Elena est maman de deux filles et Lila a eu une fille aussi avec Enzo. Ce dernier a monté son entreprise d'informatique avec Lila et leur société fonctionne bien. Elena, elle, s'est séparée de Pietro et a renoué une relation plus que compliquée avec Nino. Ce dernier tome est riche en questions politiques et féministes, des thèmes qui ont traversé tous les tomes de la saga. Une fois encore, les deux femmes vont se retrouver et se séparer au rythme des années. Mais malgré leur relation parfois destructrice, on réalise avec ce dernier tome que Lila et Elena n'ont jamais cessé de s'aimer.
Que de mots déjà écrits rien que pour parler de l'intrigue ! Il faut dire que l'histoire se déroule sur une soixantaine d'années alors forcément, il s'en passe des choses. Une fois n'est pas coutume, je vais d'abord parler de l'intrigue avant d'évoquer les personnages. Comme je l'ai évoqué précédemment, cette saga est une histoire d'amitié sur un fond d'Italie en plein changement. Chaque décennie entraîne son lot de nouveautés aux niveaux social et politique et l'auteure en parle très justement. J'ai appris énormément de choses sur l'Italie post Seconde guerre mondiale et j'ai adoré faire ces découvertes. L'Italie est un pays qui m'attire énormément alors en apprendre sur son histoire moderne en lisant une saga romanesque est un gros point positif. Concernant le cœur de la série, j'ai véritablement apprécié suivre la vie des deux Italiennes, de leur enfance jusqu'à leur mort. Je crois que c'est la première fois que je lis une telle saga et j'ai adoré. Je me replongeais dans leur quotidien avec grand bonheur chaque fois que je débutais un nouveau tome. Leurs histoires personnelles sont magnifiquement entremêlées avec les histoires politiques de leur pays. J'avais l'impression de faire partie de leur univers. Lorsque j'ai terminé la saga, j'avais le sentiment de perdre deux amies, auxquelles je m'étais fortement attachée. J'avais la sensation de connaître Lila, Elena, Rino, Alfonso, Pinuccia et tous les autres. Et même si le dernier tome m'a un peu déçue par rapport aux autres, j'étais triste de clôturer cette formidable aventure italienne.
"Même quand je déborde d'amour, même quand ma vie est belle, même quand je suis heureuse, je ne peux pas m'empêcher de voir l'effroi du monde." (tome 4)
Venons-en aux personnages ! Je ne vais pas pouvoir parler de tous étant donné qu'on en rencontre des dizaines et des dizaines au fil des années. Ce que je retiens de tous ces personnages c'est qu'ils forment une énorme fresque de vie très réaliste. Il y a le patron sans pitié, la mère de famille qui se dévoue pour ses enfants, l'universitaire ambitieux qui se fait rejeter par les autres… Il y en a vraiment énormément et j'ai aimé "faire connaissance" avec eux. Les personnages sont très bien construits et donnent du sens à l'histoire. Ils sont loin d'être de simples esquisses. Ils ont tous leur importance et ils jouent tous à un moment donné un rôle clé dans le destin d'Elena et de Lila. J'en ai adoré certains, j'en ai détesté d'autres. Comme dans la vraie vie ! Cette diversité de personnages m'a vraiment plu. En fait, cela évitait de trop se lasser de Lila ou d'Elena car forcément, s'il n'y avait eu que leurs histoires à elles deux dans les quatre tomes, cela aurait été bien trop lourd!
Etrangement, je suis incapable de vous dire si j'ai aimé Lila et Elena. En fait, elles ont toutes les deux tellement changé entre le premier et le dernier tomes (et c'est bien normal !) que je suis incapable d'avoir un avis précis sur chacune d'elles. Ce sont deux femmes que j'ai parfois beaucoup aimées comme j'ai pu m'énerver contre elles. Dans les deux premiers tomes, j'ai beaucoup apprécié Elena. J'aimais sa sensibilité et son envie de fuir le quartier. Mais sa naïveté a fini par m'agacer de plus en plus. Dans les tomes 3 et 4, je l'ai clairement haïe à certains moments. Je la trouvais très égoïste. Ses pensées vis-à-vis de ses filles me faisaient beaucoup de peine. Comment peut-on faire passer ses filles après son amant ? Lenù avait vraiment tout pour réussir et je trouve qu'elle s'est trop perdue dans ses histoires de cœur et qu'elle a fait énormément de mal à Pietro, Dede et Elsa. Il s'est plutôt passé l'inverse avec Lila. J'avais du mal avec elle au départ, je la trouvais extrêmement méchante. Si elle l'est restée jusqu'à la fin, j'ai fini par comprendre pourquoi elle se créait une telle carapace. Je l'ai admirée à plusieurs reprises lorsqu'elle s'opposait à Stefano, Michele, Marcello ou encore Bruno ! C'est une femme courageuse, qui préfère mourir pour ses valeurs que de se laisser marcher dessus. Donc si je ne l'ai jamais vraiment adorée, Lila est tout de même un personnage que je trouve remarquable. De nombreuses fois, j'ai du mal à comprendre l'amitié entre Elena et Lila. Comment font-elles pour se supporter alors qu'elles sont si différentes ? Mais on voit bien que ces différences leur pèsent puisqu'elles connaissent des périodes de plusieurs années sans se donner de nouvelles. Cependant, le lien entre elles est si puissant qu'elles finissent toujours par se retrouver. C'est vraiment une belle leçon d'amitié.
"Nous nous jetâmes dans les bras l'un de l'autre avec une fureur que je n'avais jamais connue, comme si nos corps se heurtaient l'un contre l'autre dans l'intention de se briser. C'était donc ça, le plaisir : se fracasser, se mêler, ne plus savoir ce qui était à lui ou à moi." (tome 3)
Les deux premiers tomes sont ceux que j'ai préféré lire. J'étais entièrement captivée par leurs aventures d'adolescentes et de jeunes femmes. J'aimais aussi être plongée dans la vie du quartier, malgré sa brutalité. Les deux tomes suivants m'ont moins charmée. Elena, la narratrice, quitte Naples donc forcément, elle s'éloigne de tous les personnages qu'on a connus auparavant. Ça me manquait de ne plus trop avoir de leurs nouvelles. De plus, c'est dans ces tomes-là que le comportement d'Elena m'a agacée. J'avais du mal à la comprendre et à approuver ce qu'elle faisait. C'est un personnage qui se plaint souvent alors je trouvais que certains passages étaient longs et trop centrés sur les apitoiements d'Elena. Ces deux derniers tomes sont également beaucoup plus politiques et donc plus compliqués à lire. Il faut être concentré pour bien comprendre ce qui se passe et ne pas s'emmêler.
La plume d'Elena Ferrante est un régal. Ces livres regorgent de belles descriptions et de passages magnifiquement écrits. Selon moi, elle écrit avec un équilibre parfait entre le beau et le simple. L'amie prodigieuse est une saga qui se lit toute seule tant on est plongé dans cette fresque de vie. Vous l'aurez compris dès le premier paragraphe, cette série de quatre tomes m'a charmée. Je vous la recommande énormément si vous ne l'avez toujours pas lue. On s'attache aux personnages facilement tout en découvrant une Italie dure et en pleine reconversion. C'est une saga que je relirai avec plaisir quand je serai plus vieille pour me rappeler de bons souvenirs de lecture. Maintenant, j'ai hâte de découvrir la série télévisée !
Je n'ai pas encore débuté cette saga. À vrai dire, j'appréhende beaucoup car, je ne sais trop pourquoi, mais j'ai l'impression que ces romans comportent des longueurs. Mais ce n'est peut-être qu'une impression ^^ Il me semble que le 1er tome se trouve à la bibliothèque donc ce serait l'occasion de tenter ! :)
RépondreSupprimerAlors, c'est vrai qu'il y a quelques longueurs car certains passages sont très descriptifs ! Après, c'est ce qui aide à comprendre l'Italie de cette époque-là aussi, donc ça dépend si ça t'intéresse d'apprendre des choses dessus ou pas ^^
SupprimerMais oui tentes juste le premier tome ! Il est génial ! Au moins, tu verras si ça te plaît ou pas :)